Mise à jour le 29 juin 2023
Présentation

« Seuils. Textes - Arts - Théorie »

Cet axe propose de réfléchir à la question des frontières ou des limites que le texte, tout comme la théorie du texte, posent, déplacent ou questionnent. Il importera d’aborder ces enjeux dans une perspective spatiale mais aussi temporelle en interrogeant les conditions et les modalités d’une transmission, d’un passage ou d’un partage où le commun (notamment à travers l’espace ou le lieu communs) se conjugue avec l’intransmissible. Il s’agira d’explorer les multiples déclinaisons et les théorisations de la figure du seuil, qu’il soit objet de représentation ou délimitation matérielle du texte lui-même. La réflexion abordera les effets de disjonction ou au contraire de lissage dans les jeux de bascule du narratif vers le métanarratif, du poétique vers le métapoétique, ainsi que dans l’intertextualité et l’intermédialité. L’accent sera mis sur les lignes de continuité ou de faille entre le texte et le hors-texte, entre l’intention auctoriale et le devenir du texte dans la lecture, ou encore entre la clôture que la signature confère au texte et l’hétérogénéité qui l’habite.

2020-2022 : La transmission et l’intransmissible : perspectives spatio-temporelles, énonciatives et intermédiales
 
2022-24 : Le littoral 

Direction de l'axe : Pascale Tollance et Axel Nesme

2022-2024
Le littoral

Pour les deux années à venir, la réflexion de l’Axe « Seuils » se concentrera autour du littoral, des représentations dont il fait l’objet et des poétiques qu’il invite. Même lorsque la littérature et les arts convoquent le littoral en le dotant d’un fort ancrage géographique et référentiel, il semble qu’il soit fréquemment appelé à devenir plus – ou autre – qu’il ne paraît, investi d’une puissante charge imaginaire ou symbolique qui tient à son statut de bordure entre terre et mer particulièrement propice à traduire divers franchissements vers et depuis un au-delà, tel le « rivage plutonien de la nuit » que traverse le corbeau d’Edgar Poe pour venir hanter le séjour du poète aux prises avec un deuil inachevé. Lorsqu’il s’agit de décrire l’envol de la pensée vers la contemplation de la beauté transcendante, le rivage est aussi la métaphore à laquelle Platon a recours : « s’approchant de la vaste mer de la beauté et la contemplant, il créera nombre de belles et nobles pensées, de beaux et nobles discours dans son amour illimité de la sagesse, jusqu’à ce que sur ce rivage il grandisse et se fortifie ». Thomas Mann, dans La Mort à Venise n’ignore pas, lui non plus, que « celui qui, en montant loin de ces choses terrestres sous l’influence de l’amour vrai, commence à percevoir cette beauté, n’est pas loin de la fin », et c’est pourquoi le romancier situe sur la plage du Lido le lieu où s’achève le parcours de l’écrivain Aschenbach dont la vie a été consacrée au culte de la beauté.
Lieu d’expériences sensorielles riches et diverses, point de rencontre entre les éléments, le littoral met également en jeu des dynamiques spatiales particulières (à partir, notamment, du bord, de la limite, de l’horizon) tout en se doublant parfois d’une dynamique rythmique et temporelle. Le littoral est souvent associé dans le récit à des expériences telles que la traversée et l’exil, le retour ou le non-retour ; plus largement, il fait surgir des motifs comme la séparation ou la coupure ou au contraire la rencontre ou la fusion, associant le concret et l’abstrait, le charnel et le conceptuel. Pour l’artiste ou le poète, le littoral devient volontiers le lieu où s’engage, explicitement ou non, une réflexion sur sa propre activité créatrice. On songe notamment à telle plage de Long Island où Walt Whitman situe le lieu de naissance de sa vocation d’écrivain, ou encore à Wallace Stevens, qui trouve dans une promenade le long de la côte de la Floride l’occasion de s’interroger sur la nécessaire négociation entre imagination et réalité.
Ces quelques pistes ne sont qu’un point de départ et ne visent en rien à limiter le champ de la réflexion qui s’ouvrira aux diverses aires linguistiques et culturelles du laboratoire et aux différentes époques que couvrent nos recherches. Tout en prolongeant les réflexions menées au sein de LCE sur le paysage et le dépaysement, le « littoral » est appelé à ouvrir de nouvelles perspectives et pourra s’envisager le cas échéant dans le cadre d’approches critiques récentes comme l’écocritique ou la critique néo-matérialiste. Il constituera une nouvelle étape dans notre réflexion autour de la notion de « Seuils » : en continuité avec le travail mené en 2022-2023, place pourra être faite aux développements spécifiquement théoriques dont il a fait l’objet.
La première séance de notre séminaire aura lieu le 25 novembre 2022, de 16h à 18h en CL 118.
Nous aurons le plaisir d’écouter Didier Girard qui nous propose pour cette première intervention le titre suivant :
« Le littoral à 240° : Déclinaisons critiques »
2020-2022

La transmission / l’intransmissible

Nous souhaiterions ouvrir à partir de cette année un large champ de réflexion sur la question de la transmission dans le domaine de la littérature et des arts – et, dans le même temps, porter notre attention sur une limite ou un seuil que l’on rencontre de façon inévitable lorsqu’on se penche sur la question. L’intransmissible, qui peut être envisagé comme ce qui interrompt la transmission, sera à prendre tout autant comme point de départ pour interroger ce qui se joue dans la transmission. Il sera lui-même à sonder selon les différentes formules qu’on peut en donner, par exemple à la manière de Derrida qui nous invite à penser la littérature comme un « secret sans secret », c’est-à-dire comme un intransmissible qui ne cesse de se transmettre. La transmission est au cœur de notre pratique aussi bien en tant que lecteurs critiques qui nous posons de facto en destinataires des œuvres, qu’en tant que pédagogues qui contribuons à leur pérennité. Pour autant, la pertinence du modèle communicationnel émetteur-message-récepteur sous-jacente à l’idée de transmission, s’avère problématique lorsqu’il s’agit de décrire les effets pluriels d’inscription qu’engendre le texte, irréductibles au simple décodage d’un message ou à une démarche poïétique prétendant remonter du texte à l’intention, à la psyché, ou aux affects de son auteur. Bref, c’est autour du paradoxe d’une transmission sans point d’origine, d’une destination sans destinateur que gravitera notre analyse.
Pour lancer ce travail qui pourra comporter de multiples volets, nous proposons d’abord de revenir à une interrogation fondamentale sur la temporalité selon laquelle il est possible de concevoir la transmission – une temporalité qui implique moins un simple passage « du passé au présent », aussi aléatoire fût-il, qu’elle n’interroge plus radicalement, le pésent même de l’œuvre. La dynamique de la transmission invite celui ou celle qui la « reçoit » (le terme est à approfondir) à faire retour sur la dynamique inhérente à l’objet qui se transmet. Elle nous conduit conjointement à nous pencher sur le statut en apparence figé et clos de ce que l’on nomme « l’oeuvre », concept problématique depuis qu’ont été mises en avant les notions d’œuvre ouverte (Eco) ou de « texte-lecture » (Barthes), et plus largement sur le rôle du canon comme ce qui constitue les œuvres en tant que telles et préside à leur transmission. L’esthétique de la réception et l’herméneutique littéraire, en tant que théories de la transmission, pourront également être évoquées dans ce cadre.
L’un des critiques contemporains qui s’est le plus interrogé sur cette question est Georges Didi-Huberman dont le travail prolifique sur l’histoire de l’art et l’image au sens large n’a eu de cesse de remettre en cause une conception univoque, statique et linéaire de la transmission. Nous pourrons revenir à l’introduction qu’il nous propose dans Devant le temps et nous pencher sur certains passages d’un de ses textes marquants, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde. Didi-Huberman convoque très largement au fil de son travail le philosophe Walter Benjamin et nous invite à relire cette œuvre majeure. Un deuxième temps de notre travail pourra consister à esquisser ce retour en arrière sur l’œuvre de Benjamin et examiner notamment ce qu’il élabore à travers le concept d'image dialectique et la notion de la perte de l'aura. Nous aurons le plaisir pour cette deuxième séance d’écouter Ralf Zschachlitz. qui nous fera partager sa connaissance précise et approfondie du texte.
Tout en remettant en cause une conception linéaire de la réception et de la transmission, Didi-Huberman, à la suite de Benjamin, interroge la nature même de ce qui « passe » et « se passe » lorsqu’on se trouve « devant » l’œuvre, sur « le seuil du regard », soulignant notamment l’insuffisance des lectures historique ou sémiotique pour appréhender l’image. Le critique se demande « ce qu’il reste de l’aura » dans les différentes formes d’un art dit « minimaliste » ou « littéral » qui se multiplient dans la seconde moitié du XXème siècle. Il interroge les limites à la fois d’une approche tautologique (« tout est là », « ce que vous voyez est ce que vous voyez ») et d’une approche archaïsante qui, à l’inverse, retirerait l’œuvre dans un ailleurs inaccessible. Transposée dans le domaine des études littéraires, la notion d’aura paraît d’autant plus intrigante que sa pertinence s’y impose avec moins d’évidence que dans celui des arts visuels. A quoi reconnaît-on l’aura d’un texte littéraire, et leur dimension auratique, si elle existe, intervient-elle dans la dynamique de transmission des « grands » textes ? Par contrecoup, quels sont les dehors que revêtirait un texte non auratique, et quelle seraient ses modalités d’inscription dans le temps ? Une troisième étape de notre réflexion pourra tenter de cerner ce qui relèverait d’une forme de travail dans la transmission (au sens du travail du rêve), ou ce qui se laisse décrire tout aussi bien en termes d’événementialité. Cet événement a entre autres pour nom le figural chez Jean-François Lyotard et l’on pourra s’arrêter sur ce que Gérald Sfez décrit comme « un geste baroque » dans Discours, Figures, ce texte qui « tente de faire entendre la présentation du visible contre le lisible dans l’élément du lisible même » (Sfez).
Dans la mesure où il implique en son cœur même ce que Henry James nommait « le motif dans le tapis », autrement dit une transmission faite d’intransmissible (Lyotard nous invite à penser différents modes de négativité dans Discours, Figure), le figural et son développement à l’écart de la référence même au visuel pourra nous occuper lors d’une quatrième séance où nous envisagerons différentes approches possibles de l’affect en jeu dans la transmission. « Ce qui nous regarde » dans l’œuvre est en effet non seulement ce qui nous y parle de nous, à la manière des vanités, mais aussi ce qui nous y affecte. Au-delà de l’image, nous serons donc conduits à nous interroger sur le rôle de l’imaginaire dans notre réception des œuvres, et plus largement sur les effets de capture ou de captation qui permettent à une œuvre de trouver son public, et à celui-ci de s’y retrouver.
 
Ce séminaire est ouvert aux collègues, aux doctorant.e.s ainsi ainsi qu’aux étudiant.e.s de M1 et de M2.

2021-2022: dates

Les séminaires sur le thème de "La Transmission" de l’Axe Seuils auront lieu le vendredi de 16h30 à 18h30
Séminaires 2019-2022

  • 17 juin : MILC salle 410